Tout d’abord, l’auteur souhaite mentionner qu’il n’est pas un expert de ce sujet qui peut être sensible pour certains et qu’il n’a pour but que de présenter certaines données d’articles scientifiques sélectionnés qui ont paru dans les dernières années et qui ne sont pas directement liés aux récentes manifestations antiracistes.
L’impact de l’environnement sur certaines conditions médicales a commencé à être largement étudié dans les dernières années. Par exemple, le statut socio-économique (SSE) est une mesure qui tient compte de l’état financier d’une personne ou d’une famille ainsi que de sa position relative dans la société. Cette mesure est fréquemment utilisée par les sociologues et les épidémiologistes afin d’évaluer comment le milieu d’un individu évolue avec, par exemple, son état de santé. Dans une revue de la littérature par Williams et collaborateurs, il a été rapporté qu’un SSE plus faible était associé à divers problèmes de santé, comme le stress chronique. Certains chercheurs ont constaté que l’association entre le racisme et le SSE passe notamment par la ségrégation résidentielle raciale, qui est un phénomène caractérisé par l’occupation de certains quartiers résidentiels par des communautés racialisées (Bailey et coll., 2017, Gee et coll., 2011, dans Williams et coll., 2019). Une telle ségrégation explique partiellement pourquoi certaines minorités visibles ont un SSE plus faible que d’autres et montre que la concentration de la pauvreté, notamment caractérisés par des logements de faible qualité, peut affecter la santé physique des occupants (Kramer & Hogue, 2009, Miranda et coll., 2009, White & Borrell, 2011, Williams & Collins, 2001, dans Williams et coll., 2019). Une hausse de risques physiques et sociaux a été associée à une hausse de la prévalence et de la cooccurrence de stresseurs chroniques et de stresseurs psychosociaux aiguës, qui semblent donc participer aux disparités raciales en matière de santé physique et psychologique (Williams et coll., 2019).
D’autres chercheurs se sont intéressés à l’association entre la discrimination raciale rapportée par des individus de minorités et leur état de santé physique et mentale. Il a été observé que la discrimination raciale influence davantage la santé mentale que la santé physique. De plus, l’ethnicité semblerait jouer un rôle dans la relation entre ces variables puisque les associations entre la santé mentale et la discrimination perçue étaient plus fortes pour les communautés asiatiques et latines par rapport aux communautés noires aux États-Unis (Paradies et coll., 2015). Une autre étude a évalué l’impact de la discrimination et a conclu que l’expérience de discrimination rapportée était associée à des symptômes de santé mentale, de détresse psychologique et à des troubles psychiatriques comme des troubles dépressifs, anxieux, alimentaires et des épisodes psychotiques (Lewis et coll., 2015).
Figure 1. Schéma décrivant le concept de charge allostatique (Allostatic load) et les liens existant entre les caractéristiques individuelles, l’environnement, et les réponses physiologiques découlant de l’interaction individu-environnement. Ainsi, un individu qui vit un événement stressant va réagir par des réponses comportementales et physiologiques, comme la sécrétion d’hormones de stress. Ces réponses ont pour but d’adapter au mieux l’individu à son milieu et de rétablir un équilibre dans son organisme. Les réponses physiologiques peuvent participer à la charge allostatique qui en retour peut mener au développement de conditions chroniques et à un vieillissement de l’organisme. Disponible à l’URL ici.
Puisque les conséquences potentielles de la discrimination raciale sur la santé physique et mentale sont considérables, il est important de comprendre le développement et la progression des conditions qui ont été associées à une forme de racisme. C’est le cas de la charge allostatique (CA), un concept qui peut être défini comme étant l’ensemble des déséquilibres des systèmes physiologiques conséquemment à un stress chronique ou répétitif. Un concept important associé à la CA est l’allostasie, qui est le processus par lequel le corps d’un individu tente d’atteindre un état d’équilibre par l’intermédiaire de changements physiologiques et comportementaux. Comme présentée dans la Figure 1, l’adaptation est un processus important pour atteindre un état d’allostasie, notamment par des réponses physiologiques. Ainsi, si une personne vit un événement stressant, le système nerveux va percevoir ce stress, ce qui risque de déclencher différents mécanismes d’adaptation comme la consommation de substances ou d’autres changements comportementaux. Cela peut causer des modifications des réactions physiologiques, qui peuvent en retour modifier différents facteurs biologiques impliqués dans la gestion des situations stressantes, comme l’expression génétique et l’expérience subjective. Ainsi, l’organisme d’un individu qui est exposé de manière répétitive ou chronique à une forme de stress peut présenter un certain nombre de déséquilibres dans la réponse neuroendocrine. Certains facteurs associés à une hausse de la CA sont la pression artérielle, le ratio taille-hanche et l’indice de masse corporelle. Une hausse de la CA sur une période de sept ans a été associée à une hausse de risque relatif de mortalité, de maladies cardiovasculaires ainsi qu’à une baisse du fonctionnement physique et cognitif (Seeman et coll., 2001).
Puisque la discrimination est associée à une hausse de la CA, il est possible qu’elle soit un facteur de stress chronique socio-environnemental, qui pourrait s’expliquer partiellement par des taux de cortisol plus élevés chez les communautés africaines aux États-Unis (Brody et coll., 2015). Le rôle du stress chronique dans la prévalence de maladies cardiovasculaires comme l’hypertension a aussi été évalué dans une étude afin de déterminer comment le stress anticipatoire (également connu sous le terme de vigilance liée au racisme) est associé à la prévalence d’hypertension dans différents groupes ethniques (Hicken et coll., 2014). Les adultes de la communauté noire de l’échantillon interrogé présentaient des taux de stress anticipatoire supérieurs à ceux des communautés hispaniques et blanches. C’est également chez les membres de cette communauté noire interrogée que l’on a observé la seule association significative entre la hausse de vigilance liée au racisme et le rapport de cote d’hypertension. Ces observations sont importantes afin de développer une meilleure compréhension de la relation entre la discrimination raciale et la CA et ainsi prévenir le développement de certaines maladies chroniques.
Pour conclure, il est important de considérer l’impact de la discrimination perçue et vécue par les individus de communautés racialisées puisque le racisme peut être un facteur de stress et nuire à leur santé. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact potentiel de la discrimination sur la CA et voir comment cette dernière peut être gérée avant l’apparition des premiers symptômes physiques et mentaux.
Williams, D. R., Lawrence, J. A., & Davis, B. A. (2019). Racism and health: evidence and needed research. Annual review of public health, 40, 105-125.
Paradies, Y., Ben, J., Denson, N., Elias, A., Priest, N., Pieterse, A., ... & Gee, G. (2015). Racism as a determinant of health: a systematic review and meta-analysis. PloS one, 10(9), e0138511.
Lewis, T. T., Cogburn, C. D., & Williams, D. R. (2015). Self-reported experiences of discrimination and health: scientific advances, ongoing controversies, and emerging issues. Annual review of clinical psychology, 11, 407-440.
Seeman, T. E., McEwen, B. S., Rowe, J. W., & Singer, B. H. (2001). Allostatic load as a marker of cumulative biological risk: MacArthur studies of successful aging. Proceedings of the National Academy of Sciences, 98(8), 4770-4775.
Brody, G. H., Lei, M. K., Chae, D. H., Yu, T., Kogan, S. M., & Beach, S. R. (2014). Perceived Discrimination Among African American Adolescents and Allostatic Load: A Longitudinal Analysis With Buffering Effects. Child development, 85(3), 989-1002.
Hicken, M. T., Lee, H., Morenoff, J., House, J. S., & Williams, D. R. (2014). Racial/Ethnic Disparities in Hypertension Prevalence: Reconsidering the Role of Chronic Stress. American Journal of Public Health, 104(1), 117–123.